Au delà des apparences - Littérature & poésie

Dans un relais routier où nous aimions nous encanailler en côtoyant des rustres, l’un de mes camarades mis un jour au défi un camionneur de lire un passage du songe d’une nuit d’été de Willy parce que celui ci l’avait mis au défi de conduire son semi- remorque.
Contre tout attente, le jeune homme avait relevé le défi.

Il avait beaucoup d’assurance et même beaucoup de prestance sans qu’il eut de sa part la volonté de paraître autrement qu’il n’aurait été sans doute en d’autres circonstances. L’exercice pourtant n’était sans doute pas évident pour lui. Lire à voix haute devant un auditoire à priori hostile, nous sembla sur le coup un pari qu’il ne pouvait pas relever sans se ridiculiser et de cette façon, nous maintenir dans l’idée réconfortante de notre supériorité.
Le silence se fit dans le café enfumé. Tous les regards portés sur lui, il ouvrit le livre que je lui avait tendu et jugé sur l’un des tabourets du bar tourna plusieurs pages avant finalement de commencer.
Sa voix devint un souffle sur lequel vola jusqu’à nous la poésie de Shakespeare. D’un seul coup, l’idée même de notre supériorité fut balayée. Il fut un court instant notre égal avant de nous surpasser. Il ne lisait pas. Il était le songe d’une nuit d’été.

Epulon, ton témoignage est très touchant.

Je suis d'avis qu'il y a ce que nous sommes et ce que la société fait de nous (les "apparences"). Avec cette espèce de paradoxe que la société, c'est nous, nous nous sommes créé des règles qui excluent, divisent, nous font croire que nous ne sommes pas capables de telle ou telle chose, et nous y croyons.

Jusqu'au jour où des ехрéгіепсеs comme la tienne nous font prendre conscience que tout ça, c'est du vent et que que nous appelions Willy, que nous soyons anglais, français, azéri, camionneur, lesbienne, régulier des relais routiers, etc, etc ...etc ... etc ... nous avons en commun le "souffle" de vie qui nous anime et fondamentalement, nous parlons toutes et tous de la même chose.

Tout à fait d'accord Hasbeen. Nous avons tendance à créer nos propres interdits, nos propres limites. C'est souvent inconscient, fruit de notre éducation et parfois de nos ехрéгіепсеs. Le travail que nous devons faire sur nous, est de nous poser sans cesse la même question ? Dans quelle mesure, les actes et les paroles des autres empiètrent-ils sur notre intégrité et en quoi la liberté des autres menace-t-elle de façon importante notre propre liberté ?

J'ai été Puck. Je connais la magie du "Songe..." Belle histoire!