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R. Vivien poétesse lesbienne - Littérature & poésie

Sujet de discussion : R. Vivien poétesse lesbienne
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 14 juillet 2014 à 01:33
    Ode à l'Aphrodita
    traduite de Sapho
    (traduction datant de 1903)

    Accueille, immortelle Aphrodita, Déesse,
    Tisseuse de ruse à l'âme d'arc-en-ciel,
    Le frémissement, l'orage et la détresse
    De mon long appel.

    J'ai longtemps rêvé ; ne brise pas mon âme
    Parmi la stupeur et l'effroi du réveil,
    Blanche bienheureuse aux paupières de flamme,
    Aux yeux de soleil.

    Jadis, entendant ma triste voix lointaine,
    Tu vins l'écouter dans la paix des couchants
    Où songe la mer, car ta faveur hautaine
    Couronne les chants.

    Je vis le reflet de tes cheveux splendides
    Sur l'or du nuage et la pourpre des eaux,
    Ton char attelé de colombes rapides
    Et de passereaux.

    Et le battement lumineux de leurs ailes
    Jetait des clartés sur le sombre univers,
    Qui resplendissait de lueurs d'asphodèles
    Et de roux éclairs.

    Déchaînant les pleurs et l'angoisse des rires,
    Tu quittas l'aurore immuable des cieux.
    Là-bas surgissait la tempête des lyres
    Aux sanglots joyeux.

    Et toi, souriant de ton divin visage,
    Tu me demandais : " D'où vient l'anxiété
    A ton grave front, et quel désir ravage
    Ton corps tourmenté ?

    " Tu ne sauras plus les langueurs de l'attente.
    Celle qui te fuit te suivra pas à pas.
    Elle t'ouvrira, comme la nuit ardente,
    L'ombre de ses bras.

    " Et tremblante ainsi qu'une еsсlаvе confuse,
    Offrant des parfums, des présents et des pleurs,
    Elle ira vers toi, la vіегgе qui refuse
    Tes fruits et tes fleurs.

    " Par un soir brûlant de rubis et d'opales
    Elle te dira des mots las et brisés,
    Et tu connaîtras ses lèvres nuptiales,
    Pâles de Ьаіsегs. "

    (extrait du volume "Sapho" de Renée Vivien)
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 14 juillet 2014 à 01:40
    Des roses sur la mer, des roses dans le soir,
    Et toi qui viens de loin, les mains lourdes de roses !
    J'aspire ta beauté. Le couchant fait pleuvoir
    Ses fines cendres d'or et ses poussières roses...

    Des roses sur la mer, des roses dans le soir !

    Un songe évocateur tient mes paupières closes.
    J'attends, ne sachant trop ce que j'attends en vain,
    Devant la mer pareille aux boucliers d'airain,
    Et te voici venue en m'apportant des roses...

    Ô roses dans le ciel et le soir ! Ô mes roses !

    (Du volume "Évocations" de Renée Vivien)
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 14 juillet 2014 à 02:05
    PSAPPHA REVIT

    ... Certaines d'entre nous ont conservé les rites
    De ce brûlant Lesbos doré comme un autel.
    Nous savons que l'amour est puissant et cruel,
    Et nos аmапtеs ont les pieds blancs des Kharites.

    Nos corps sont pour leurs corps un fraternel miroir.
    Nos compagnes, aux sеіпs de neige printanière,
    Savent de quelle étrange et sauve manière
    Psappha pliait naguère Atthis à son vouloir.

    Nous adorons avec des candeurs infinies,
    En l'émerveillement d'une enfant étonné
    A qui l'or éternel des mondes fut donné...
    Psappha revit, par la vertu des harmonies.

    Nous savons effleurer d'un Ьаіsег de velours,
    Et nous savons étreindre avec des fougues blêmes ;
    Nos caresses sont nos délicieux poèmes...
    Notre amour est plus grand que toutes les amours.

    Nous redisons ces mots de Psappha, quand nous sommes
    Rêveuses sous un ciel illuminé d'argent :
    " Ô belles, envers vous mon cœur n'est point changeant..."
    Celles que nous aimons ont méprisé les hommes.

    Nos lunaires Ьаіsегs ont de pâles douceurs,
    Nos ԁоіgts ne froissent point le duvet d'une joue,
    Et nous pouvons, quand la ceinture se dénoue,
    Être tout à la fois des аmапts et des sœurs.

    Le désir est en nous moins fort que la tendresse,
    Et cependant l'amour d'une enfant nous dompta
    Selon la volonté de l'âpre Aphrodita,
    Et chacune de nous demeure sa prêtresse.

    Psappha revit et règne en nos corps frémissants,
    Comme elle nous avons écouté la sirène,
    Comme elle encore nous avons l'âme sereine,
    Nous qui n'entendons point l'insulte des passants.

    Ferventes, nous prions : " Que la nuit soit doublée
    Pour nous dont le Ьаіsег craint l'aurore, pour nous
    Dont l’Érôs mortel a délié les genoux,
    Qui sommes une chair éblouie et troublée... "

    Et nos mаîtгеssеs ne sauraient nous décevoir
    Puisque c'est l'infini que nous aimons en elles...
    Et puisque leurs Ьаіsегs nous rendent éternelles,
    Nous ne redoutons point l'oubli dans l'Hadès noir.

    Ainsi nous les chantons, l'âme sonore et pleine ;
    Nos jours sans impudeur, sans craintes ni remords,
    Se déroulent, ainsi que de larges accords,
    Et nous aimons, comme on aimait à Mytilène.

    (extrait du volume " A l'heure des mains jointes " de Renée Vivien)

    ----------------------------------------------------------------------

    - Les Kharites étaient les Déesses de la grâce, de la beauté, de la danse, des festivités et des ornements.

    - Mytilène était la ville principale de l'île de Lesbos et le lieu de naissance de la poétesse Sappho (dates estimées, de 630 à 580 avant notre ère), la seule femme de l'Antiquité grecque dont les hommes aient jugé l’œuvre digne d'une transmission manuscrite - fort lacunaire du reste, la morale normalisatrice des copistes passant par là - et dont on égalait la beauté des vers à ceux d'une Déesse et à ceux de Homère. A peine nous reste-t-il un dixième, très défait, de ses œuvres. Des lignes, quelques poèmes à peu près entiers, des passages se tenant, des fragments, voire quelques mots : l'on peut toujours espérer sur la sécheresse du désert égyptien, conservatrice de manuscrits, pour Sappho et pour d'autres, Parménide, Épicure, Héraclite, mais bon...

    - Erôs est à la fois la personnification (la métaphore) de l'amour et le Dieu de l'amour.

    - L'Hadès était le lieu sombre où les âmes après la mort étaient censées errer ; une sorte d'équivalent de nos Enfers, mais c'est déjà là une attribution de sens à "Hadès", distorsion de sens que le christianisme a faite pour quelque peu comprendre les représentations des Anciens quant à l'au-delà.
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 14 juillet 2014 à 03:16
    Je suis ouvert à toutes discussions sur :

    - le style de l'époque, notamment le recours à la mythologie grecque (bien dans la suite des traductions par les Symbolistes des Grecs anciens) ;

    - le recours à la grande ancêtre, Sappho, dont les historiens se demandent si elle ne tenait pas une sorte de cercle éducatif, préparant les jeunes femmes au mariage, et dans ce cadre-là, s'en éprenait, animée par une véritable passion hоmоsехuеllе, tout en leur faisant passer des épreuves initiatiques de type homo-éгоtіԛuе (équivalentes à l'initiation homo-éгоtіԛuе des jeunes guerriers aristocrates) ;

    - la forme quelque peu engoncée des poèmes, point exempts cependant de belles images descriptives ;

    - le non-dit d'une sехualité qui ne fait que transparaître, suggérée, ce qui signifie le poids des interdits sociaux contraignant à des ellipses et aussi à des expressions convenues sur les ardeurs (ceci dit quel beau passage que celui de la robe qui se dénoue, dans le troisième poème);

    - tout autre sujet qui vous intéresserait.



    ---------------------------------------------------------------------



    Ceci est mon salut à notre moitié d'humanité

    ici présente, vous les femmes, dont je ne regretterai

    jamais la présence sur "tongay.com",

    car votre présence est civilisatrice

    (et ne croyez pas à un cliché de ma part ;

    rien de plus sordide qu'un site

    de drague exclusivement masculin).
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 14 juillet 2014 à 17:24
    Une biographie de Renée Vivien, "Vivien" n'étant qu'un pseudonyme signifiant sa résurrection lors de son retour en France à l'âge de 21 ans, figure attachante de poétesse anglaise ayant décidé d'adopter la langue française comme langue d'écriture.


    Où l'on apprend que la "violette" fréquemment évoquée est une manière de rendre présente une amie et аmапtе disparue.


    http://www.sappho.com/poetry/r_vivien.html
  • nigivir Membre élite
    nigivir
    • 14 juillet 2014 à 20:23
    Ah, ah, excuse-moi, Climax, ma remarque ne sera pas littéraire.

    J'ai un ancien collègue qui s'appelle Vivien, et alors je suis sûre qu'il serait ravi d'apprendre l'existence de cette homonyme ...

    Bref, je ne connaissais pas du tout, merci pour la découverte.
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 14 juillet 2014 à 20:37
    Hasbeen, c'est toujours un рlаіsіг de faire découvrir l'existence d'un auteur : il n'y a pas de quoi me remercier.
  • nigivir Membre élite
    nigivir
    • 14 juillet 2014 à 20:39
    рlаіsіг de faire découvrir l'existence d'un auteur

    Un ou une?

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