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Dernier post témoignage - Transsexualité (forum transgenre)

Sujet de discussion : Dernier post témoignage
  • alison-emma Membre pionnier
    alison-emma
    • 13 décembre 2013 à 06:51
    Comment les choses ont vraiment basсulées

    Je me souviens, petite, avoir joué à la poupée en cachette, car dans mon milieu Bourgeois très catho de droite, cela aurait été la fin du monde.
    Mon père était un ingénieur allemand et ma mère (la vraie?) Française née à Bar-le-Duc. Entre ça et sauter tout ce qui bouge comme les portugais c'était un fantôme. Je n'ai donc presque pas connu mon père si bien qu'enfant je me suis identifiée aux femmes qui m'entouraient. N'étais-je pas comme elles finalement ? Je vivais comme elles, parlais comme elle, je respirais comme elles.
    Avec cet homme, je risquais l'exclusion, la damnation, ou pire l'hôpital psychiatrique peut-être ! Mais rassurez-vous, j'ai quand même eu droit à des consultations dans un presbytère pour enfant pas tout à fait normaux, disons en «  difficulté psychologique, en retrait du monde « . La pédopsychiatrie n'était pas encore de mise à cette époque. Merci Françoise Dolto d'être venue... Je me souviens seulement avoir entendu des choses qui auraient pu me choquer si je les avaient comprises de la Ьоuсhе de ce préhisto-spécialiste. On ne savait rien à cette époque, pas de médias, rien. Pour mémoire j'ai six sœurs et un frère, je suis le sixième de la fratrie. De toute cette marmaille, je suis la seule à n'avoir pas été traité comme les autres, je ne dirais pas maltraitée, je dirais plutôt pas traitée du tout... Enfin pas traitée comme aurait du l'être un petit garçon. J'ai vraiment été mise à part, mais n'étais-je pas « à part ? «  . Sinon pourquoi je suis la seule a n'avoir pas été en pension comme les autres ? Pourquoi ma mère me gardait auprès d'elle (la vraie?)  Pourquoi elle m'apprit à coudre, à tricoter ? Pourquoi elle passait tant de temps à m'enseigner les matières et les bonnes manières, alors que les autres étaient libres ?. Elle détestait ma nounou qui chaque fois qu'elle le pouvait m'emmenait loin d'eux. J'étais une sale bâtarde d'ovimbundus ! C'est ce que répétait mon père. Tout était si confus en moi que j'en étais venu à croire que je n'étais pas normale, quelque chose de pas comme les autres qu'on ne pouvait pas montrer. Je vivais dans la peur permanente, la honte et la culpabilité sans savoir pourquoi. Peu à peu je me suis enfermée dans une bulle protectrice où rien ni personne ne pouvait plus entrer, sauf ma nounou.
     
     
    Donc je jouais à la poupée, disais-je, mais pas n'importe laquelle. Fi du petit baigneur ou de la poupée аsехuée, c'était plutôt le genre Barbie avec des sеіпs et un corps de femme. Coïncidence tout à fait fortuite le bas ventre était formé d'un triangle sans sехe. Pendant que les garçon du quartier jouaient au foot ou aux billes, moi, je jouais à la marelle, à l'élastique, à la corde, à un-deux-trois soleil avec mes sœurs sous les yeux bienveillants de ma mère qui n'y trouvait rien à redire. A présent je crois savoir pourquoi.
    A l'adolescence et d'ailleurs bien avant, il m'arrivait souvent de cacher mon sехe entre mes cuisses, et même parfois de le coller ! Puis de me regarder dans une glace pour voir l'effet que cela me procurait de ressembler à une fille. Bien entendu, je ne compte pas les fois ou je chipais les affaires de mes sœurs pour m'en habiller. J'étais très ехсіté, et rassurée en même temps. Vers 14-15 ans à l'âge ou les garçons s'intéressent aux filles pour des raisons tout à fait normales, moi, je ne m'y intéressais pas du tout, et je ne cherchais aucunement à m'en avouer la vérité. On dit d'une fille toujours fourrée avec des garçons, qu'elle est un garçon manqué. Pour le coup, j'aurais du être toujours fourré avec des filles. Mais je crois que j'en avis plutôt une peur bleue étant trop à ma semblance, du moins vis à vis de mon identité ргоfопԁе.Les contacts physiques que j'avais pu avoir avec elles ne me procuraient non pas du dégoût, mais quelque chose comme un malaise indéfinissable à cette époque, et par la suite aussi. Je compris plus tard que j'assimilais cela à des contacts lesbiens, que je ne pouvais accepter,et pour cause, on m'avait toujours dit que j'étais un garçon . Je n'étais pas gay non plus. J'étais enfermé dans un corps étranger qui ne pouvait se concilier ni avec les unes, ni avec les autres... Avec les hommes j'éprouvais juste un peu de réconfort car ils attiraient Alison, moi ils me dégoûtaient. Avec les femmes c'était l'horreur et je devais faire semblant car le contact femme-femme m'était insupportable mais par-dessus tout c'était cette horrible image qu'elles me renvoyaient de l'utilisation qu'elles faisaient de mоп согрs... Il faut savoir que je ne suis jamais parvenu à façonner une vie de couple normale et ce avec n'importe quelle femme depuis toujours. Tout ce qui au début, semblait tout beau tout joli finissait toujours inévitablement par tourner à l'affrontement.
    Mais reprenons. A 15 ans j'avais déjà ma taille de 1m80 pour à peine 60 kilos ! Pas vraiment le poids des os d'un homme. Ma carrure n'était pas droite comme celle d'un homme mes hanches se creusaient et mon bassin ressortait. Mes jambes et mes poignets si fins  qu'une montre y tournait comme un bracelet.
    Enfant je ne pouvais pas fuir, un enfant est sans moyens et là où je vivais une autre fuite allait m'accaparer.
    En 1975 (je devais avoir 11 ans) lors du grand pont aérien moi et ma nounou avons été séparées des Européens qui se sauvaient. Ensuite dans la panique nous n'avons jamais pu retrouver mes parents (moi je les appelle nos mаîtгеs...). Si bien que nous sommes restés coincées (moi je dirais abandonnées) au pays lorsque la guerre civile éclata. De tout ce qui peut suivre je n'en parlerais pas ici, mais cela peut aisément se deviner. Comment on a survécu je n'en parlerais pas non plus. Il y a des choses qu'on ne peux pas dire face à l'incompréhension totale et aux opinions «  dirigées «  des gens.
    Adolescente je ne pouvais pas me suicider c'était pas dans l'éducation que j'avais reçu. Mais si je ne pouvais pas me tuer, je pouvais encore me faire tuer. A 16 ans je suis partie avec les soldats pensant ainsi tuer la femme qui était en moi. Nous étions en pleine guerre civile en Angola. Ce fut, on ne peut plus viril et bien à souhait, mais rien n'y a fait ! En 1981 les troupes cubaines occupaient Luanda. Ma nounou m'a retrouvé complètement traumatisée. Je ne sais pas comment elle s'est débrouillée mais nous avons été mises dans un Iliouchine plein de Cubains en partance pour Paris. C'est aussi dans cette période que j'ai eu mon premier rapport sехuеl et ce fut avec un homme bien entendu, puisque j'étais une femme. Je rappelle encore une fois que je n'étais pas hоmоsехuеl au sens où on l'entend, mais que c'était dans la logique absurde des choses.
    Après mon retours en France j'ai eu bien assez à faire avec les " souvenirs " et puis il me fallait trouver un emploi, me ranger, en quelque sorte me «  normaliser « Je m'y suis prise de la pire façon dont je pouvais le faire ! Je me suis complètement reniée, niée, je suis entrée dans le dénis. Alison était morte là-bas, morte et enterrée ! Je n'ai laissé de place qu'à Emmanuel. Le déni cette arme puissante qui n'est ni l'amnésie ni un mensonge mais une façon inconsciente de tгаvеstіг la réalité pour y échapper. C'est en tout comparable au déni de grossesse dont les médias ont fait leur choux gras. Je faisais consciemment des choses incohérentes, parfois limite sans les comprendre car inconsciemment c'est ce que j'avais ocсulté qui dirigeai ma vie. Tout un pan de ma vie n'existait simplement pas, alors que j'en percevais la réalité !. Ne plus souffrir, c'était impossible et il fallait faire passer la pilule sur ce que je faisais et que je comprenais pas. Pour cacher la vérité, donner le change aux autres y compris moi-même, la bonne excuse en somme. J'ai donc appris un métier, trouvé un emploi et je me suis marié. Puis j'ai voulu un enfant. C'était flagrant ce désir d'enfant qui avait déjà commencé à m'habiter à l'adolescence et là il revenait à la charge. D'habitude , c'est l'homme qui n'en veut pas ou du moins pas trop tôt. Là, c'est ma femme qui se faisait tirer l'oreille. Pour moi évidemment, c'était un transfert de paternité en maternité, mais cela aussi je l'avais ocсulté. Pourtant je voulais une fille et pas un garçon. Quand notre fille est née, et toute petite, je n'en avait que pour elle, je la prenais constamment avec moi, même chez des amis elle était sur mes genoux et c'est moi qui m'occupait d'elle, je dois bien le dire de façon abusive. Sa mère trouvait que j'en faisait de trop et disait que je voulais me faire remarquer. Si elle avait su à ce moment là que je ne comportais pas en papa poule, mais en maman tout court... !
    J'avais cru Alison morte, voilà que peu à peu, elle ressuscitait... Ce fut encore un long et insidieux calvaire.Cela se manifestait par des comportements équivoques. Si tout avait pu paraître à peu près normal jusqu'à là et que j'avais pu donner le change y compris me leurrer moi-même, je me repliais à nouveau, nettement, sur ce qui restait de moi. Je restais de longs moments prostrée, ma femme me demandait ce qui me ferait рlаіsіг ce que je voulais, je lui répondais rien, je ne veux plus rien. J'étais anéantie, sans existence, sans identité.Je l'ai parfois exprimé en disant que j'étais entre deux portes, ni dans la pièce d'avant ni dans la pièce d'après, nulle part, ni vivant ni mort. Ma vie, je la voyait défiler comme sur une scène de théâtre sauf que je n'en étais pas le metteur en scène et que je ne jouais pas dedans. Elle ne pouvait mesurer l'étendue de mon intense souffrance, personne ne le pouvait car je gardais le silence et m'isolais. Pour elle j'étais un ours.Je commençais aussi à développer d'étranges maux, conséquences somatique de ce qui me rongeait.Bref ce fut la crise existentielle, confondue, mais pas par moi, à quelque chose de plus mystique du style " qui suis-je, où vais-je, dan
  • lessismore Membre suprême
    lessismore
    • 13 décembre 2013 à 07:28
    et merci
  • nigivir Membre élite
    nigivir
    • 13 décembre 2013 à 07:32
    Merci, Alison-Emma!
  • textoo Légende urbaine
    textoo
    • 13 décembre 2013 à 09:10
    Bonjour Alison,

    J’avais cerné ton histoire sur tes diverses interventions très souvent mal comprises sur ce forum.
    Une souffrance était perceptible dans tes mots pour ceux qui sont encore capable de décoder ici sans juger mais en essayant de comprendre des vécus.
    La vie ne t'a pas apporté ou peu de bonheur dans chacune de tes étapes sur ces continents et ne peut ainsi qu'apporter de la rancœur bien compréhensible.
    Te dévoiler aujourd'hui apporte les précisions et témoigne encore plus de ce mal être permanent qui te ronge, et peut être, a libérer une partie de ce fardeau que peu ne peuvent comprendre...

    Sur ce, bonne route à toi, et courage pour la suite.

  • verduгіп Membre pionnier
    verduгіп
    • 13 décembre 2013 à 09:45
    Bonjour Alison,
    ton histoire présente pas mal de similitudes avec un proche de ma famille ( ma tante) qui a subi une opération de transformation pour devenir femme.
    çà lui a coûté une fortune dans les années 70....
    elle aussi fut rejetée par la famille, aimait s'habiller en femme, jouait avec des poupées,....
    Ceci dit, elle est devenue superbe et à eu beaucoup plus de succes que beaucoup de femmes, je t'assure.
    Aujourd'hui encore c'est une très belle femme épanouie malgrés son âge. Actuellement, un beau jeune gars de 26 ans en est tombé amoureux et vit avec elle.
    Elle se fiche de savoir ce que les gens et la famille pensent, et a vécu pour elle même.
    c'est ce qui l'a réellement rendue heureuse.
    Chaque histoire est unique bien sûr, mais je voulais te faire part de ce message d'espoir pour te souhaiter bonne chance et un peu de bonheur dans ta vie tourmentée par le passé.
    Merçi pour tes interventions
  • alison-emma Membre pionnier
    alison-emma
    • 13 décembre 2013 à 09:55
    Merci à tous pour votre sympathie. Ce témoignage est si long que j'ai du le finir en deux autres parties.
    Il m'en a coûté mais c'est fait.
    Je n'ai ni peine, ni regrets. Juste encore quelques mois pour être enfin au bout du voyage....
  • peter_pan Membre émérite
    peter_pan
    • 13 décembre 2013 à 11:53
    Bonne continuation alison

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