Connexion :

Kurt Schwitters - "Ursonate" - Littérature & poésie

Sujet de discussion : Kurt Schwitters - "Ursonate"
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 15 juin 2014 à 00:10
    Kurt Schwitters, dans la lignée du mouvement Dada, aura plus que tout autre contribué à démolir la continuité fallacieuse du langage articulé.


    Certains ne pourraient voir dans cette tentative qu'une vaste fumisterie, mais la fumisterie est-elle du côté d'une tentative pour faire ressurgir un langage dans ses composantes natives, élémentaires, inaugurales, ou du côté d'un establishment littéraire répétant immuablement les formes consacrées, chargées d'histoire, terminales ?


    Cette tentative de faire du sens avec qui nous apparaît comme des bruits dépourvus de sens nous plonge dans l'incompréhension, et au-delà dans l'attribution possible d'un sens, ou au moins dans le soupçon d'un sens comme il advient quand un locuteur seulement rompu aux langues européennes entend une des langues chinoises.


    Quoi qu'il en soit, au début de la modernité il y a la déconstruction du langage et sa mise aux abois par Kurt Schwitters ; les bruitistes, comme le lettriste Isidore Isou, n'en seront que les lointains héritiers.


    Se pose-t-on jamais assez la question, dans le flux des banalités qui rendent ronronnant et imparable et imbuvable le langage, de ce que tout cela signifie, que ces "nouvelles" répétées, enchaînées, colportées, ingurgitées par de sensibles intellects devenus des éponges et auxquels est ôtée - tendanciellement - la faсulté de s'étonner, de s'interroger, de réfléchir ?


    La question est donc bien : mais quel sens cela revêt-il pour nous autres, êtres sensibles ? Kurt Schwitters nous met juste devant cette question...


  • lessismore Membre suprême
    lessismore
    • 15 juin 2014 à 00:13
    Je suis une grande fan! Merci bcp!
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 15 juin 2014 à 00:25
    Il n'y a pas de quoi ; ce n'est que justice.
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 15 juin 2014 à 00:36


    De plus longs extraits, avec le texte.
  • lessismore Membre suprême
    lessismore
    • 15 juin 2014 à 01:33


  • mistagony Membre habitué
    mistagony
    • 15 juin 2014 à 12:25
    Personnellement, je suis plus sensible à ces expérimentations au sеіп de cadres plus signifiants, comme les récitations d'Asperghis ou le City Life de Steve Reich.

    J'aime l'idée de trouver du sens dans ce qui n'en a pas à l'origine, encore que le sens est bien différent selon qui l'interprète. Mais ce qui me dérange dans ce que vous avez proposé, c'est que rien ne s'assemble. L'assemblage n'est pas en soi un sens ou une logique, je crois, car on peut assembler des choses qui n'ont pas de sens et avoir pour résultat quelque chose qui a encore moins de sens. Mais quand on fait ce genre d'expérimentation, n'est-il pas intéressant d'assembler les sons, les mots, quand bien même ils ne construisent pas de sens propre ? L'ursonate est un cas à part, mais les harmonies de Cage, par exemple... Je comprends toute la portée d'appeler ces pièces "Harmonies", il y a une philosophie passionnante derrière cela, et c'est ce que je trouve intéressant, mais le résultat purement sonore et musical reste à mon goût trop dispersé pour en saisir toute la ргоfопԁеur.
    Même au temps du chant grégorien monodique, on assemblait les sons, car on chantait dans des endroits acoustisés, on jouait avec les réverbérations, or là on ne joue presque même pas avec les timbres des instruments, qui pourtant font partie intégrante de ce genre de travail, il n'y a qu'à écouter Berg, entre autres.

    De toute manière, nous ne sommes pas tous sensibles aux mêmes choses, aux mêmes façons de procéder, merci, donc, d'avoir lancé la discussion
  • lessismore Membre suprême
    lessismore
    • 15 juin 2014 à 13:36
    Il me semble que l'assemblage est important, même s'il est lié au hasard ou à l'instinct. Et d'autre par, je ne suis pas sure qu'il y ai une véritable recherche de sens, mais comme le dit climax c'est plutôt une déconstruction, partir du sens, pour en faire un non sens, flirter avec l'absurde, ou comme le dit encore climax, un retour certain à l'acte primaire. Évidement, ont fini toujours par pouvoir y trouver du sens, que ce soit dans le concept ou le résultat, car la vie fait écho à la vie " Dada c'est la vie, l'Art est mort, Vive Dada". C'est une explosion des règles et de normes. Il me semble que schwitters ou Tzara disait " pourquoi l'arbre s'appelle ainsi? Et pourquoi pas ploublach". Il faut aussi dire que ce mouvement est aussi une réponse à la guerre, et finalement dans une autre direction, je trouve que dada est violent et radical.

    Et oups, pour l'assemblage, Duchamp est un exemple d'autre "folies" musicale des dada. Quant à Cage, il est dans la lignée de Dada, tout comme les surréalistes, c'est un résultat plus moderne qu'a permit le décloisonnement dada, une possibilité d'avoir une autre méthode, du moins s'autoriser toutes les méthodes.
  • nigivir Membre élite
    nigivir
    • 16 juin 2014 à 09:22
    Bonjour,

    Je trouve tout cela bien passionnant.

    Climax, je ne crois pas qu'il y ait fumisterie que ce soit d'un côté ou de l'autre.
    Il s'agit juste d'expressions de quelque chose.

    Comme le souligne Lessismore, tout est une réaction à autre chose, c'est valable pour l'art, mais pas que.
    Trop de capitalisme? Dans ce cas, sombrons dans l'anti-capitalisme.
    Je crois que le sens participe du même mouvement. On a donné au sens une importance capitale justement, tout doit avoir un sens, c'est horrible, c'est le diktat du sens.
    Et en plus, quel sens? On en a 5, de sens, mais on ne les utilise pas.
    Tout le monde dit que donner un sens est la chose la plus importante.
    A l'école, on impose le sens d'un poème de Rimbaud, Rimbaud veut dire que ... Mais c'est facile, Rimbaud il est mort, on sait pas quel sens il voulait donner, et même s'il y en avait un, et après tout, est-ce si important?
    Passer son bac a du sens. Mais du sens pour qui et pour quoi?
    Comme il y a trop de sens, sombrons dans l'anti-sens.
    Comme il y a trop de guerres, sombrons dans l'anti-guerre.
    Comme il y a trop de racisme, sombrons dans l'anti-racisme.

    Sauf que, effectivement, un mouvement anti-guerre est aussi violent que ce qu'il combat, parce que si on est contre une chose, cela revient à signifier que cette chose existe, donc c'est contre-productif. Et dans le fond, on en oublie de se poser la vraie question: pourquoi la guerre? Pourquoi l'arbre s'appelle ainsi?

    Et nous alternons depuis toujours dans ces extrêmes sans jamais en sortir. Ça n'a pas de sens, on tourne en rond.

    Personnellement, dans la roue de ma vie, j'en suis à la phase du "non-sens".
    J'ai subi le sens, je l'ai cautionné, je l'ai transmis. J'ai oublié qu'un acte peut être gratuit. J'ai oublié de sentir, voir, toucher, écouter, ne plus penser, vivre en somme.
    Comme je n'en peux plus, alors je passe au non-sens.
    Quand j'écoute du Mozart, en fait, je n'écoute pas vraiment: je veux suivre l'histoire, je me souviens de la dernière fois que je suis allée à l'opéra, je pense à une personne qui elle-aussi aime Mozart, bref, je suis assaillie par dix mille trucs.
    Lorsque j'écoute la musique proposée par Lessismore et Climax, mon esprit se repose parce que je ne cherche rien. Et c'est lorsqu'il n'y a plus rien que quelque chose de "primaire" est sollicité, ce quelque chose qui est sans doute notre base commune.

    Mais la vérité doit se trouver au milieu de tout ça ou en dehors de tout ça. Dans un équilibre entre le sens et le non-sens. Entre le construit et le déconstruit. Entre le primaire et le conditionnement.
    Dans le meilleur de chaque chose et de toutes les méthodes. Dans ce que moi, j'estime le meilleur de toutes les méthodes. Je pense que l'on pourra appréhender l'unité du monde à partir du moment où nous l'appréhenderons avec notre propre unité.

    Voilà, voilà, merci Climax.


    PS: Je rends à Mozart ce qui appartient à Mozart. J'ai entendu il y a quelques années une émission qui évoquait une ехрéгіепсе menée par des ethnomusicologues. Cette ехрéгіепсе consistait à faire écouter des compositeurs dits classiques à des groupes humains éloignés de toute "civilisation". Leurs conclusions semblaient dire que c'est Mozart qui éveillait le plus unanimement le plus de "choses " (je ne me souviens plus, hélas, de leurs critères d'"évaluation").
  • lessismore Membre suprême
    lessismore
    • 16 juin 2014 à 10:44
    Je vous conseil de lire "silence" de Cage, entre autre on peut y trouver certains de ses autres centres d'intérêts, et comme ça se rendre compte que les artistes ne s'inspirent ni plus ni moins que de la vie, cela par une multitudes de médium et de choses. On ne soupçonnerai pas que Cage est complètement passionné de champignons par exemple!
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 17 juin 2014 à 00:03
    Oh oui, pouvoir se placer devant l'audition de la "Ursonate" de Kurt Schwitters, dans une innocence des sens, sans attendre une signification qui serait attelée à la face sonore des signes, et puis soudain une germination, comme la première venue d'une pensée vіегgе, jamais eue.

    Oui. C'est un espoir que l'on peut et doit concevoir.

    Merci, Hasbeen et Lessismore !!! Et à Mistagony.
    Cela fait рlаіsіг de voir ici des discussions roboratives !!!

    Je retiens et les mots de Hasbeen et ceux de Lessismore.
    Et Cage, et les champignons.

Pas encore inscrit(e) ? Créez votre profil en quelques clics seulement et profitez !