De lâenfant blessĂ© Ă lâenfant Ă©merveillĂ©
Nous sommes, pour la plupart dâentre nous, porteurs de blessures plus ou moins vivaces engrangĂ©es dans notre histoire et surtout dans la petite enfance. Blessures ouvertes, prĂ©cocement inscrites et durablement prĂ©sentes dans la mĂ©moire « fidĂšle de nos cellules », situations inachevĂ©es qui se crient longtemps aprĂšs dans les souvenirs limpides ou confus, amnĂ©sies et refoulements autour de zones de vulnĂ©rabilitĂ© et de sensibilitĂ© aiguĂ« qui nous transforment parfois en Ă©corchĂ©s vifs.
Une blessure a son origine dans un Ă©vĂ©nement un geste, une parole, un ressenti, entendu et reçu comme nous faisant violence. Lâautre, en face, ne nous a pas fait nĂ©cessairement violence, mais nous pouvons en recevoir lâimpact, comme une agression qui nous blesse, nous dĂ©stabilise, nous morcelle ou nous dĂ©structure.
Un des enjeux Ă dĂ©mystifier, dans la vie relationnelle dâune vie dâadulte, sera de dĂ©couvrir lâincroyable habiletĂ© dont nous sommes capables pour entretenir les blessures de notre enfance ou de notre histoire familiale Ă leur maximum, Ă travers des rencontres et des relations qui ne sont pas bonnes pour nous et auxquelles cependant, avec beaucoup dâaveuglement, nous nous accrochons. Relations toxiques, en quelque sorte, qui vont rĂ©activer en permanence ces blessures au lieu de les rĂ©duire au minimum. Cela devrait nous renvoyer Ă notre difficultĂ© de faire des choix plus pertinents vers des rencontres vivifiantes et des relations structurantes qui pourraient apaiser nos blessures, Ă©viter leur restimulation et nous confirmer dans une bonne estime de soi.
Il ne faut pas oublier quâil y a toujours un enfant blessĂ©, humiliĂ©, incompris en chacun de nous. Un ex-enfant susceptible de se rĂ©veiller, de se faire entendre, de se manifester dans les situations les plus banales dâune vie dâadulte. En particulier dans une vie de couple, de parents, ou dans les situations dâune vie professionnelle qui sont porteuses dâune incroyable variĂ©tĂ© dâĂ©vĂ©nements, susceptibles de faire revivre lâex-enfant qui est en nous et de rĂ©activer ainsi des sensibilitĂ©s douloureuses. Il y a aussi en chacun de nous un enfant en attente dâĂ©merveillements, de dĂ©couvertes et dâenthousiasmes. Un enfant curieux, dĂ©sireux dâentrer dans un mouvement dâĂ©tonnements et de croissance, un enfant susceptible de se relier Ă la beautĂ©, Ă la justice ou Ă la compassion. Cet enfant-lĂ sera Ă©veillĂ©, restimulĂ© par des rencontres avec le beau, avec lâĂ©motion dâun Ă©vĂ©nement, avec la qualitĂ© dâun regard, dâune Ă©coute, ou lâaccueil dâun geste.
Ce sera tout le sens dâun accompagnement bienveillant, dâune prĂ©sence proche, proposĂ©s Ă un enfant par un adulte disponible.
Mais tout se passe comme si les Ă©vĂ©nements nĂ©gatifs laissaient plus de traces en nous que les Ă©vĂ©nements positifs. Et nous le savons bien : un seul jour de guerre laisse plus de violence et de dĂ©sespĂ©rance dans une existence que trois cents jours de paix n ây ont inscrit de beautĂ© et dâespĂ©rance.
Le combat semble donc inĂ©gal et nous risquons dâĂȘtre entraĂźnĂ©s dans une succession de conflits avec nous-mĂȘmes en dĂ©veloppant des conduites de rĂ©paration ou de restauration qui nous font oublier que nous pouvons aussi utiliser nos Ă©nergies autrement, en pratiquant Ă©galement la confirmation, qui consiste Ă ne pas prendre sur soi ce qui nâest pas bon pour soi. « Ce point de vue, ce regard nĂ©gatif, ce jugement de valeur que tu portes sur moi, je le laisse chez toi.
Il nâest pas bon pour moi, je ne le ressens pas comme me concernant, je ne peux rien en faire... »
En particulier en acceptant de mieux recevoir et dâaccueillir les messages dâamour, de bontĂ© et de beautĂ© que nous pouvons rencontrer partout ; en Ă©tant aussi plus vigilant sur la qualitĂ© des relations qui nous sont proposĂ©es ; en acceptant de nous relier au positif de chacun, au sens ŃĐłĐŸfĐŸĐżÔ de chaque Ă©vĂ©nement ; en Ă©coutant et en prenant conscience que toute situation de vie recĂšle du positif.
Nous pouvons ainsi donner plus dâespace, plus de vie et plus de stimulations Ă lâenfant Ă©merveillĂ© quâil y a en nous.
Jacques Salomé