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Mariage impossible

Sujet de discussion : Mariage impossible
  • textoo Légende urbaine
    textoo
    • 23 juin 2013 à 09:25
    Bonjour à toutes et à tous,

    Histoire abracadabrante de Lise : mariage impossible avec 11 Nationalités ???


    Je m’appelle Lise, j’ai 25 ans et je suis homosexuelle. Non pas que je me définisse comme ça au quotidien, mais les gens aiment les étiquettes, c’est plus simple. Donc je suis homosexuelle.J’habite depuis trois ans à Berlin avec la femme de ma vie. Elle s’appelle Agnieszka, elle est très intelligente et très belle. Elle a les plus beaux yeux de la terre (voire de l’univers). Elle est aussi polonaise.

    Quand je l’ai rencontrée, ça a été l’amour au premier regard – vraiment au premier regard. Quand on en parle, je dis souvent que « our eyes sparkled » (nos yeux pétillent). Oui, parce qu’on parle en anglais toutes les deux, c’est la seule langue qu’on ait en commun.

    Quand il a été question du « mariage pour tous » pour la première fois en France, je lui ai dit, taquine : « Hé, regarde, on va bientôt pouvoir se marier. » C’était une phrase comme ça, pas vraiment sérieuse, mais l’idée a fait son chemin.

    Agnieszka est un pur produit de la société polonaise, élevée aux principes catholiques et tout le bazar. Même si elle rejette aujourd’hui l’Eglise à cause de sa politique, « déconnectée de l’humain, et de la réalité du XXIe siècle » et de l’hypocrisie des prêtres, elle croit en Dieu et au mariage « jusqu’à ce que la mort nous sépare » (entre autres).
    Oui, on est un couple, un vrai, merci

    J’ai moi été élevée sans aucune religion et mes parents n’étaient pas mariés. Le mariage, bof, c’est qu’un morceau de papier. N’empêche qu’au quotidien, pour toutes les démarches administratives, la banque, prendre un crédit, avoir un prix de couple pour la sécurité sociale, pouvoir rendre visite à l’autre à l’hôpital (et même dans nos relations avec la famille), il est usant de devoir se justifier tout le temps.

    Se justifier que oui, on est un couple, un vrai, merci, qui a des projets de vie, qui est stable, durable, qui est normal. Faire face aux clichés et à l’homophobie latente, celle qui refuse de s’appeler homophobie mais en est.

    Et encore, nous sommes chanceuses, nous habitons dans une ville relativement ouverte aux couples de même sехе. Je n’ose imaginer le calvaire pour mes homologues français (ou polonais...) Ce bout de papier aurait au moins l’avantage de leur faire fermer leur Ьоuсhе. Bref, l’idée fait du chemin chez moi aussi.
    On repousse la question à plus tard

    Avant cela, nous avions évoqué la possibilité d’un « partenariat de vie » (Lebenspartnerschaft) en Allemagne, l’équivalent du Pacs français. Enfin, pas totalement : ici, les hétérosexuels ont le mariage – ils ne peuvent pas se Lebenspartnerschafter ;
    les homosexuels ont le Lebensartnerschaft – ils ne peuvent pas se marier

    Par rapport au mariage allemand, droits et devoirs sont presque les mêmes. L’immense différence réside dans la réduction des impôts : les homosexuels pacsés ne bénéficient pas de réduction d’impôts liée à leur statut de couple officialisé. Situation qui va bientôt être réglée.

    Autre différence : les homosexuels ne bénéficient pas de la signification sociale qu’est le mariage. Un Lebenspartnerschaft, ce n’est PAS un mariage. Ça n’a pas sa charge symbolique, ça n’a pas son statut social, ça n’a pas la même signification dans la tête des gens.

    Le Lebenspartnerschaft est plus évolué que le Pacs et avec moi au chômage à l’époque, cela pouvait être un moyen de me faire bénéficier d’aides sociales plus poussées, pour nous aider à passer le cap. Je pourrais rédiger un article entier sur ces politiques sociales lamentables de l’Allemagne qui poussent plus de 30% de sa population à se paupériser, mais là n’est pas le sujet. Et puis j’ai retrouvé un boulot et on a repoussé la question à plus tard.
    Le débat en France : haine, intolérance, rejet

    Ma moitié aimerait, elle, si elle doit signer un contrat de vie commune, se marier. Se marier avec toute sa symbolique, toute sa reconnaissance sociale, les robes blanches, la vodka qui coule à flot, la famille présente et tout le tralala. Education polonaise catholique traditionnelle, je vous dis !

    La question de l’ouverture du mariage aux couples de même sехе tombe au Ьоп mоmепt et relance la question dans notre couple. Passé les premiers jours d’euphorie, le « débat » (parce que au niveau de conneries débitées en France, c’était loin d’être un débat) s’envenime. Et je me rends compte que ça ne se fera pas sans douleur, cette histoire – alors qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat...

    Les mois suivants n’ont pas été faciles. La harcèlement médiatique envers les homosexuels, l’homophobie décomplexée envahissant notre quotidien, la folie des extrémistes de tout genre et des fous aux sweats rose et bleu m’ont vraiment fait peur. Il a fallu que je traduise tout ça à ma coріпе, qui ne pouvait pas croire qu’en France, pays des droits de l’homme pour elle, on puisse laisser la haine, l’intolérance et le rejet envahir la vie publique. « On dirait la Pologne », qu’elle me fait.
    Fin de cette folie : j’ai pleuré de soulagement

    A Berlin, les journaux se concentrent sur les extrémistes dans les manifestations contre le mariage pour tous, sur les propos homophobes, et noircissent un peu le tableau. Quid de la résistance et des contre-manifestations des pro ? L’image de la France en prend un (très) sale coup.

    Mes amis, d’horizons et de nationalités divers, me demandent ce qui peut bien se passer. Comment leur expliquer ? On me prend souvent à partie dès qu’on sait que je suis française. Je le cache, j’ai honte. C’est facile, je n’ai quasiment pas d’accent quand je parle anglais ou allemand.

    C’est une énorme remise en question de mon identité : je ne me sens plus française, car France devient synonyme d’intolérance, de haine. J’ai honte d’être française. Et moi qui ait toujours refusé de me définir comme homosexuelle, de me définir selon mon orientation sехuеllе, je me sens forcée, à cause de ce débat, à me revendiquer comme telle. Comme pour me protéger.

    La fin de cette folie m’a fait un bien fou. Je me souviens que j’étais au boulot et j’écoutais les débats à l’Assemblée et au Sénat en streaming. Le jour où cela a été ratifié, j’étais devant mon ordinateur. J’ai pleuré, mais pas de joie. De soulagement.
    Qu’est-ce qui lui a pris de ratifier une telle connerie ?

    Je rentre guillerette pour dire à ma moitié que ça y est, elle peut mettre un genou à terre et me demander en mariage. Ça l’a fait rire, et elle me dit d’être patiente. Ok, je peux l’être, de toute façon, la loi est là, on ne peut pas l’enlever. Se marier, ou ne pas se marier, c’est possible, et c’est notre choix. Seulement notre choix.

    Et puis patratas ! Début juin, un ami Facebook, très engagé pour les droits des homosexuels, publie un article qui explique que certaines nationalités ne peuvent pas profiter de la loi Taubira. Tous les couples constitués au moins d’un conjoint venant de Pologne, du Maroc, de Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, de Serbie, du Kosovo, de Slovénie, de Tunisie, d’Algérie, du Laos et du Cambodge n’ont pas le même droit que les autres couples. Je ? Quoi ? Ça me paraît être une intox, une mauvaise blague des fous aux sweats rose et bleu.

    Mais non. Après d’intenses recherches sur Internet, il apparaît que la loi stipule que le mariage peut être célébré dès lors que l’un des futur(e)s époux(ses) est d’origine française ou réside en France, exception faite des ressortissants des onze pays ci-dessus mentionnés, à cause des accords bilatéraux indiquant que la loi relative au mariage applicable est celle du pays d’origine.

    La loi iпіԛuе, raciste, discriminatoire, moyenâgeuse de la Pologne prend le pas sur la loi française, légèrement plus ouverte d’esprit, dans le cas de notre couple ? Qu’est-ce qui lui a pris, à Taubira, de ratifier une telle connerie ?

    Et qui en a parlé, de cette clause, pendant les débats ? Personne. Et l’UMP qui s’exclamait que des étrangers envahiraient la France pour se marier, ces sales étrangers, vous savez, qui sont la cause de tous les maux de la France. On laisse aux portes de la France, aux portes de la justice, aux portes de l’égalité, au moins onze nationalités. C’est déjà ça de pris, hein ?
    A l’ambassade : « Ça ne va pas être possible »

    En juin, j’appelle l’ambassade de France en Pologne pour me faire confirmer cela. La jeune femme au téléphone, qui devient très désagréable et très hautaine dès que je lui dis que je veux me marier avec ma compagne polonaise, et non mon compagnon polonais, m’explique :

    « Oui, c’est comme ça, votre mariage ne sera pas reconnu en Pologne.

    – Je m’en fiche, moi, que notre mariage soit reconnu en Pologne, s’il est reconnu en France et en Allemagne.

    – Ça ne va pas être possible.

    – Mais pourquoi ?

    – C’est comme ça.

    – Il n’y a rien que je puisse faire ?

    – Non. »

    La réponse est sèche et sans appel. Je raccroche quand même sur un merci. J’suis polie. En colère, désappointée, mais polie.
    On est des moins que rien, des anormaux

    Je creuse encore la question de mon côté. Et je m’aperçois que la France est moins à cheval sur ces conventions quand il s’agit de couples hétérosexuels. La France ferme facilement les yeux quand une Marocaine épouse un non-musulman français, alors qu’en raison de ces conventions, cela ne devrait pas être autorisé. Oui, sauf qu’eux, ce sont des couples hétéros. Des couples normaux. Nous, on est des moins que rien, des anormaux, des contre-nature, une menace pour la famille, pour la société, pour l’avenir de l’humanité. La pilule est très dure a аvаlег.

    Alors, célébrer le mariage pour tous ? S’extasier de cette avancée sociale ? Certainement pas !

    Mais c’est ma faute, hein, j’ai fait l’erreur de tomber amoureuse, non seulement d’une femme, mais en plus d’une personne de mauvaise nationalité... Le combat de l’égalité est donc loin, très loin, d’être fini.



    Que pensez-vous de cette histoire ?
  • asiat68 Membre émérite
    asiat68
    • 23 juin 2013 à 10:55
    Le raisonnement de cette femme est certainement très juste, mais aussi bien révélateur du grand malaise français actuel : on veut tout, tout de suite, sans égards à certaines spécificités et aux règles qui régissent les relations internationales. Rome ne s'est pas faite en 8 jours ! Il faut parfois avoir un peu de patience, même si le temps peut paraître bien long dans certains cas.
  • yves.qc Membre élite
    yves.qc
    • 23 juin 2013 à 13:07
    Très beau texte, très touchant, je dis ça comme ça, mais je me demande si ce débat de société sur le mariage gay ne pourrais pas être sоumіs au Haut Commissariat des droits de l'homme, cette charte de droit a été écrites il y a bien longtemps et je crois qu'elle pourrait être actualiser aux réalités sociales d'aujourd'hui.

    Je lisais certain article de la charte et je crois que certain énoncer (si on lit entre les lignes) pourrais inclure le mariage entre personne de même sехе.

    Déclaration Universelle des droits de l'homme

    Article 2

    Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sехе, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation

    Égaux et non discriminatoires

    La non discrimination est un principe universel dans la législation internationale des droits de l’homme. Le principe existe dans tous les grands traités sur les droits de l’homme et sert de thème central pour certaines conventions internationales comme la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

    Le principe de la non discrimination en matière de droits de l’homme et de libertés s’applique à toutes les personnes et interdit toute discrimination basée sur une liste non exhaustive et comprenant le sехе, la race, la couleur, etc. Ce principe s’accompagne du principe de l’égalité, qui figure dans l’Article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme : "Tous les êtres humains naissent libre et égaux en dignité et en droits".

    Intéressant n'est-ce pas ?
  • menxy Membre élite
    menxy
    • 24 juin 2013 à 00:52
    Effectivement, l'avancée est importante. Et je la comprend notre amie franco allemande. Y'a vraiment aps de quoi être fière de ce qu'on est en ce moment.
    Nous qui passions notre temps a donner des leçons aux autres:
    déferlantes haineuses
    économie en berne
    et on continue a râler pour tout...
    Il serait bien temps qu'on ferme un peu notre gueule et qu'on baisse la tête, question de bien voir a quel point on est mal chaussés.
    Je ne connaissait pas cette clause dans la loi. Elle est complètement injuste est stérile: les mariage homo ne sont de toute façon pas reconnus dans tous les pays, loins de là, alors pourquoi se donner la peine d'écarter certaines nationalité, puisque de toute façon, même si ces gens se marient, leur mariage n'est pas reconnu dans leur pays d'origine?
    C'est un prochain combat à mener, mais il sera hагԁ celui là. Car il concerne une petite minorité.
    Aux associations de monter au créneau!

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