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Politique de la psychanalyse face à la dictature - Littérature & poésie

Sujet de discussion : Politique de la psychanalyse face à la dictature
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 12 mai 2013 à 22:30
    "Politique de la psychanalyse face à la dictature et à la torture : n'en parlez à personne", par Helena Besserman Vianna, psychanalyste brésilienne (L'Harmattan, coll. "Psychanalyse et civilisation", ISBN 2-7384-5063-6 ; 21,76 euros)

    Helena Besserman Vianna, dans cet ouvrage, affronte, au sеіп même de la psychanalyse telle qu'elle s'est structurée au Brésil en sociétés (et donc en structures où est en jeu du pouvoir) l'infiltration de l'esprit et des méthodes de la dictature militaire qui a ravagé le Brésil après 1964 par un ordre constitutionnel d'exception permanente.

    L'objet de l'ouvrage est simple, mais la réactions des autorités de la psychanalyse brésilienne et internationale pénible : un psychanalyste en formation s'avère être un médecin tortionnaire exerçant dans les services de la police militaire des fonctions d'aide-bourreau ; Helena Besserman Vianna livre ce fait à une revue argentine, et que croyez-vous qu'il se passa ?

    A l'image des pratiques de délation et d'ostracisme qui infectaient le Brésil, celle qui estimait incompatible - à juste titre - l'exercice de la psychanalyse avec la violation des règles éthiques les plus élémentaires et des règles codifiant la médecine, se trouva dénoncée comme porteuse de rumeurs calomniatrices, mise au ban des instances psychanalytiques, et son nom fut livré aux autorités policières, la désignant comme une des victimes potentielles des nombreux assassinats perpétrés par les juntes militaires au service du capital financier yankee et du capitalisme brésilien (agraire et industriel).

    Le plus intéressant est que le déni et la collaboration des sociétés de psychanalyse, tant brésiliennes qu'internationales, avec l'ordre militaro-policier brésilien des années 1970 ne faisaient que répéter une compromission plus ancienne des années 1945-1950, le fait "oublié" d'un psychanalyste qui fut au service de la "psychologie aryenne" nazie, tandis que les psychanalystes juifs allemands étaient interdits, pourchassés et contraints à l'exil, et qui fut, après la seconde guerre mondiale, le formateur et le superviseur de nombreux psychanalystes brésiliens.

    Ce livre pose la question des conditions d'un exercice sain de la psychanalyse, technique de traitement destiné à lever le refoulement, le secret dynamique réprimant les sources de la névrose ou de la psychose, en relation avec un environnement social où peuvent régner et ont régné en mаîtгеs au Brésil le mensonge, le silence autour des disparitions politiques, la coercition, la dénégation, ou la revendication sans scrupules de la torture comme méthode de gouvernement légitime au nom d'une nature humaine commune à tous (ce que fit le tortionnaire finalement désigné comme tortionnaire du fait de la démocratisation brésilienne).

    Enfin l'ouvrage montre combien l'apolitisme dont se réclamaient les sociétés de psychanalyse brésiliennes pour ne point dire ce qu'il eût fallu dire d'un point de vue éthique était une couverture servant le conformisme, c'est-à-dire l'adaptation à l'ordre politique meurtrier ԁоmіпапt, et combien une conscience et une action civiques vont de pair avec un exercice responsable de la psychanalyse, répondant à l'exigence de vérité dont cette dernière se réclame.

    Je vous recommande cette réflexion salutaire ; lisez ce livre !

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  • imotep8 Membre pionnier
    imotep8
    • 12 mai 2013 à 22:58
    ça rappelle un peu l'affaire kravchenko en france.
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 13 mai 2013 à 23:10
    Ce qui est, et était, en jeu, ce sont les conditions mêmes de possibilité de la psychanalyse : un tortionnaire ne peut être un psychanalyste, car il a partie liée avec les enlèvements, les disparitions politiques, le mensonge de la propagande gouvernementale, le silence sur les violations de l'humanité en la personne de multiples militants politiques, syndicalistes, associatifs ; un psychanalyste, qui s'emploie à lever le refoulement, ce secret dynamique qui est à l'origine des processus inconscients, ne peut pas avoir partie liée avec l'escamotage meurtrier, avec le silence sur la violence (sinon comment pourrait-il ou elle parer à la part des destruction du patient), avec la parole biaisée et normalisée (car la psychanalyse n'est pas une méthode d'adaptation à la société telle qu'elle est), avec un gouvernement d'exception, d'autant plus que la psychanalyse demande à tout État de ne pas s'ingérer dans sa pratique, qui est faite d'une relation duelle, à la fois de confiance et conflictuelle - le transfert négatif, ça existe !!! -, en vue d'une commune recherche de vérité ou plutôt d'authenticité intérieure du patient.

    Bien sûr les circonstances sont abracadabrantes : Helena Besserman Vianna, pendant des années, du fait de la dénonciation des instances psychanalytiques comme diffamatrice (!!!!), a risqué sa vie, maintes et maintes fois. Rien à voir avec Kravchenko !

    Je mets un lien vers les Etats Généraux de la Psychanalyse qui se tinrent à Paris avec la présence de Helena Besserman Vianna, et vers la réflexion de René Major qui montre combien la spécificité de la parole psychanalytique et son exigence de vérité ont partie liée avec une éthique qui dépasse l'éthique professionnelle.

    http://www.psicomundo.com/foros/egp/reponses-major.html

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