Une, deux, gymnastique du matin et du soir.
Si tu crois que le temps va surseoir à ton passage,
Tu peux te rincer l’œil , et mettre l'autre empli de terre
Dans une capsule à expédier vers Mars et Vénus.
Une, deux, gymnastique du matin et du soir.
La platitude est de sortie, tu en es le mаîtге.
Et depuis cet horizon solide où tu incrustes
Ta présence éphémère, il te conviendrait mieux,
Une, deux, gymnastique du matin et du soir,
De répudier l'amertume où te prend ton рlаіsіг :
Discuter de toute chose, de rien et du reste
Rend affable, amène, enfin de bonne compagnie.
Une, deux, gymnastique du soir et du matin,
Il te faut dénicher un sujet qui soit bizarre,
Ou un thème qui soit fort lacrymal et se prête
A la pitié, cet exercice des bien nantis,
Une, deux, gymnastique du soir et du matin,
Ou au crêpage de crêtes comme chez les coqs,
Avec des perfidies et paroles à double entente,
Pour retourner les sangs, concevoir l'autre en boudin,
Une, deux, gymnastique du soir et du matin,
Avoue que tu n'as rien à déclarer pour le moins.
Ah si, tiens, raconter une histoire ou une fable,
Cela séduit, ça distrait, ça fait gratter le crâne.
C'était du temps où tous les animaux avaient des dents. Tous sans exception. Et même les poules vous arboraient, scintillante et coupante, une dentition, à vous perforer à répétition les grands fauves, qui se sentaient tout chose de cette concurrence des poulaillers.
Même les сосhопs avaient de ces défenses à vous faire frémir les mammouths, qui passaient bien au large des troupeaux porcins ; les сосhопs avaient de petits yeux malins, qui les coursaient du regard, en faisant semblant de se rouler dans la boue, pour échapper aux mouches tronçonneuses.
Le monde était une vaste boucherie, les flots de sang stagnaient et le soleil osait à peine sortir le matin, car son rouge d'aurore paraissait d'un terne bien falot devant les nuances des mares gélifiées et tremblotantes. Tous s'entretuaient dans le désordre le plus insane.
Et Dieu, dans tout ça ? Dieu se limait les dents avec un cure-dent en acier (made in Pluton), et il concevait des pensées contondantes, qui tombaient comme le couperet de la guillotine (le mot existait déjà, bien que la chose ait dû attendre quelques centaines de millions d'années avant de parvenir à l'être). Dieu l'Omnipotent se demandait, s'étant encore une fois mordu la langue, s'il n'avait pas au moment de la Création démontré une incapacité coupable.
Le monde foutait le camp, les espèces vampirisées les unes par les autres se raréfiaient comme les poils sur la tête d'un chauve, il fallait y remédier, porter secours à ce monde en faillite, et d'abord instaurer de la hiérarchie. Dieu en émit l'idée, et comme vous savez que l'idée chez Dieu est l'acte même, ne voilà-t-il pas que les poules se mirent à perdre leurs dents illico presto, et les сосhопs à en avoir de moins affûtées, tandis que les grands fauves fiers rugissaient de рlаіsіг, et que les mastodontes acquéraient la sagesse de leurs dents en spirale.
C'est depuis cette époque-là que les poules attendent le temps où les poules auront des dents, mais Dieu ne s'y prêtera pas, ah non, il a bien eu trop de mal à répartir les dents de manière inégale pour parfaire un monde à son idée.


