On ne peut pas dire que le travail est aliénant ou émancipateur par sa nature propre. Tout dépend de la nature et des conditions de la relation avec le travail, et des relations de travail. Par ailleurs, on ne confondra pas le travail "produit par l'activité humaine", avec le travail "action qui le produit".
Le travail peut être émancipateur lorsqu'une personne subvient à ses propres besoins par son industrie personnelle, et qu'elle ne vit pas dans la dépendance d'autrui. Le travail est aliénant lorsqu'un être humain se vепԁ ou se loue lui-même - en tant que personne - pour accomplir une tâche donnée par celui le rémunère. Cette catégorie "de louage d'ouvrage" a disparu de notre droit. Le contrat de travail (que l'on attaque aujourd'hui vertement pour des considérations purement économiques et au mépris de notre histoire juridique et sociale) a imposé un peu plus d'équité dans la relation employeur/employé. Son objet n'est plus la force personnelle et/ou les capacités de l'employé, mais l'accomplissement d'une prestation particulière. L'obligation contractuelle ne repose dès lors pas exactement sur le même objet que le louage. Mais la différence est ténue ; certains marxiens (ou avatars du marxisme) ne voudront sans doute jamais extirper complètement le contrat de travail du louage de personne, contrat aliénant par nature. Il faut reconnaître également (à leur corps défendant) que des employés, dans certaines branches professionnelles, ou dans certaines régions sinistrées par le chômage sont - de fait et hélas - placés dans une situation proche du louage de personne.
Personnellement, je travaille de façon continue depuis plus de sept ans. Si j'étais au chômage - ou si je gagnais la super cagnotte de l'Euro-million - je continuerais sans doute à me lever tous les matins pour accomplir le même travail - ou presque - fût-il rémunéré ou gratuit. Ce n'est pas parce que je produis un travail que mon travail est aliénant. Je ne me loue, ni ne me vепԁs ; je vепԁs le produit de mon travail. Et si je ne pouvais le vепԁге, je le ferais quand même.
La vie est belle, pour moi.