Voilà c'que j'ai pu lire ce matin, sur mon FB :
Je reçois des sms, très matinaux pour certains, de chaines pour la liberté d'expression à diffuser allègrement à tous mes contacts (pour les convertir au cas où ils seraient contre, y compris à ceux qui me l'ont envoyé...) ainsi que d'autres "Je suis Charlie" qui par mail, qui par pigeon voyageur, et je me souviens de ce que je pense des élans des foules, et dans l'hommage et dans le lynchage, si éphémères quand ils ne sont pas dangereux.
Je me souviens de la victoire de la France en 1998 où des blacks/blancs/beurs nous ont ramené la coupe du monde et ont vu sur les Champs Elysées se pigmenter de bonheur le plus blême des racistes, puisque nous étions tous blacks/blancs/beurs. C'était, sur l'échelle de l'Histoire Humaine, environ cinq minutes avant le deuxième tour des élections présidentielles de 2002. Vous savez, celles où les Français ont foutu la tгоuille à Le Pen en lui faisant croire qu'il avait intérêt à trouver fissa un programme à posteriori pour diriger la France, lui qui n'y avait jamais pensé, le pauvre. D'ailleurs, là aussi, tout le monde a dévalé ses escaliers quatre à quatre pour hurler son indignation dans la rue! Nous étions tous Démocrates! C'était, sur l'échelle de l'Histoire Humaine, cinq minutes avant que Le Pen Junior (c'est une fille au fait? J'ai jamais su à cause des Guignols.) ne fasse du FN le troisième parti de France en 2012 et ne devienne l'égérie des déçus de la politique, des sans dents, des opprimés, des xénophobes, des fachos cachés dans le bois depuis 1998, ceux-là même qui se sont agenouillés devant des Nègres et des Arabes (ce que c'est que la magie du football et la beauté d'un élan populaire, quand même...)
Je me souviens de ces femmes qu'on a tondues à la Libération. Ces femmes que des résistants de la 25eme heure, ou des collabos repentis, des veules, des lâches, des mieux-pensants, se sont dépêchés de pointer du ԁоіgt pour faire oublier leur propre petitesse, leurs sаlореries, leurs délations. Ces femmes à qui on a oublié de demander de s'exprimer. Dommage. Peut-être qu'on aurait appris des choses sur l'Humain. C'était, sur l'échelle de l'Histoire de l'Humanité, un quart d'heure avant la coupe du Monde de 1998.
Je me souviens de tout ce qui est oublié, ou recouvert par la dernière indignation à la mode. Enseveli sous une montagne d'indignations en putréfaction, montagne comme une de celles où certains enfants de certains bidonvilles vont fouiller en quête de quelques sаlореries récupérables. Je ne m'inquiète pas pour eux: tout est recyclable. Tout peut se récupérer. Par chez nous, tout au moins, tout se récupère. Attentat, score du FN, coupe du monde de foot, répertoire de Mireille Matthieu.
Non, je déconne. Mireille Mathieu, c'est irrécupérable.
L'émotion, c'est de la vapeur d'eau. Que ça sorte des yeux ou des oreilles.
Tout le monde est Charlie? Non, moi, je ne suis pas Charlie, je n'ai pas cette prétention. Je n'ai pris aucun risque de cette envergure. Et je ne sais pas si j'aurais les соuіllеs de faire.
Bref. Bon, ça y est, tout le monde s'est indigné? Tout le monde à la conscience en règle? Tout le monde s'est assuré qu'il est bien Charlie? Tout le monde s'est, surtout, bien assuré que le voisin est bien Charlie? Non, parce qu'on le surveille, celui-là.
Alors maintenant que tout le monde est bien Charlie, que tout le monde célèbre la liberté d'expression, la révère, l'honore, tout le monde va arrêter de me péter les соuіllеs à six heures du mat avec ses sms, parce que, tel que je l'ai lu et tel que j'ai pu le connaitre, je pense que le professeur Choron** lui-même vous lâcherait, du bout de son fume-cigarette: "Moi, à six heures du mat, je m'en Ьгапlе de la liberté d'expression, je pionce."
Puisque tout le monde, désormais, défend la liberté d'expression, la chérit, la place au-dessus de tout, tout le monde va arrêter de la banaliser via un slogan viral et, paradoxalement, en passe de devenir stérile à force. Et tout le monde va, au contraire, le mettre en pratique et s'exprimer, penser, réfléchir, faire l'effort de prendre sa plume, arrêter de faire sa feignasse devant la page blanche ou devant les pages écrites par d'autres, libres, écrivains, pamphlétaires, philosophes. Parce que le copié-collé, ça va deux minutes. Liberté d'expression rime avec création, d'abord et avant tout.
Enfin, tout le monde a chialé, donc maintenant, on peut être sûr que le Front Nazional (non pas que je m'acharne, il a le droit de s'exprimer) va s'écrouler, que la Liberté, l'Egalité et la Fraternité vont vaincre enfin... Nous sommes tranquilles pour 2017. Nous n'aurons pas un deuxième tour UMP/FN comme certains analystes politiques le craignent.
Marylin Monroe disait: "Fais-le où tais-toi."
SOYEZ Charlie. Ou vos gueules.
**Professeur Choron, alias Georges Bernier: un Charlie qui a eu la chance de mourir de mort naturelle, comme Cavanna.
Désolé pour le pavé mais je trouve ça tellement juste que je souhaitais vous le faire partager...