1) Pas plus que la lecture de livres n'a pour vocation de distraire ou d'informer ou de dérouler de jolies phrases, la vision d’œuvres plastiques n'a de vocation : captiver, émettre un sens immédiatement traduisible, ou séduire par le sentiment du beau.
2) Pour ma part, mon acceptation va, quand même, au-delà de la Renaissance : Matta, Ernst, Brauner, Arp, Miró, Vieira da Silva, Pierre Molinier, Max Schoendorff. Ce n'est pas l'art dit "contemporain" ou même "l'art moderne", mais bon, j'assume mon décalage temporel.
3) Un jour, à Montauban, dans un bel espace d'exposition, vaste, blanc, j'ai vu avec mon ami des toiles représentant des parties de corps, des déchirures de corps, sans étalement d'hémoglobine : il est clair que l'artiste représentait pour le moins une perception morcelée et cruelle de sa réalité, à commencer par son propre corps mis en morceaux, inachevé. Il n'y avait là aucune volonté de séduire ; il y avait - au minimum - la volonté de transmettre un sentiment schizoïde devant le monde perçu à partir d'un corps bizarre. Nous ne sommes pas sortis guillerets de cette exposition, mais dans un grand malaise ; je ne regrette pas cette expérience.
4) Par ailleurs, l'art "abstrait" ou autre a des racines bien définissables ; lorsqu'un Turner, l'inventeur du paysage (sortant de la scène biblique), vous peignait des brouillards à peine traversés de lueurs, il faisait scandale, "Vous peignez mal" lui disait-on, il n'empêche que ce flou perçu enveloppant des formes, et les effaçant, n'est pas sans avoir préparé une certaine postérité, qui ne réfère plus à aucun élément préexistant.
------- Quant aux fameux chevaux encastrés en l'air, fonçant au galop dans le mur quoique empaillés, quel sens (et la question n'est-elle pas réductrice, posée ainsi ?), quelle signification ?
Mais d'abord l'étonnement, l'ébahissement, un malaise ressentis devant tant de vie figée dans un mouvement là-haut droit dans le mur, ou alors l'indifférence, le désarroi (c'est déjà autre chose), la perplexité ; ensuite seulement, une question se pose - quel sens ? - et il faut sans doute accepter de n'y pas répondre, de suspendre son avis péremptoire "Cela n'a pas de sens", et même de n'avoir aucune réponse.
"Les questions valent mieux que les réponses."